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Les travailleurs sans papiers rappellent Eric Besson à ses engagements

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Les travailleurs sans papiers rappellent Éric Besson à ses engagements
Par Carine Fouteau
Article publié le vendredi 08 octobre 2010

Au moment où l’Assemblée nationale achevait au pas de course, faute de temps de parole du côté de l’opposition, l’examen du projet de loi sur l’immigration, l’intégration et la nationalité, environ 500 travailleurs sans papiers ont investi, jeudi 7 octobre, les marches et le hall d’entrée de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, à Paris, près de la Porte Dorée.

Le 18 juin, ils avaient accepté d’évacuer la place de la Bastille, occupée pendant plusieurs semaines, car le ministère de l’immigration s’était engagé sur des critères «clairs» de régularisation, cosignés dans un
«addendum» - texte au statut administratif non identifié.

«On a levé le camp de la Bastille parce que Besson avait fait des promesses. J’ai déposé un dossier en préfecture, avec mes fiches de paie, la promesse d’embauche de mon employeur, tout, mais je ne vois rien venir, il ne se passe rien» , regrette Magnamé Diallo, installé en France depuis 2001 et exerçant comme intérimaire dans le bâtiment. «Je suis mobilisé depuis octobre 2009, la Bastille nous avait donné beaucoup d’espoir, mais le ministre ne respecte pas sa parole. Maintenant, on reste ici jusqu’à ce qu’on obtienne des récépissés (d’une durée de trois mois permettant de travailler)» , ajoute-t-il.

Soutenue par onze organisations syndicales et associatives, l’occupation de la Cité de l’immigration a débuté vers 10 heures du matin. Banderoles déployées, musique en fond sonore, l’ambiance est calme, mais les mines assombries. Le lieu n’a pas été choisi au hasard.
«Avec les piquets de grève, c’est aux entreprises que l’on s’adresse. Là, il s’agit de dire au ministre de l’immigration qu’il doit tenir ses engagements, ni plus, ni moins» , indique Raymond Chauveau, coordinateur CGT du mouvement entamé en 2008. «La négociation menée en lien avec la direction générale du travail a abouti, en juin dernier, à un texte comprenant des avancées. Mais les grévistes sont exclus de sa mise en oeuvre. Nous demandons au gouvernement de délivrer sans attendre des récépissés aux 6.804 grévistes dont il a la liste, ce qu’il s’était engagé à faire, à l’oral tout du moins» , ajoute-t-il.

Répondant au directeur général du musée, Luc Gruson, qui l’interroge sur les suites de l’action surprise, le syndicaliste fait semblant d’être rassurant : «
Ne vous inquiétez pas, vous n’aurez aucun problème de sécurité, nous sommes habitués à ce type d’opération. Vous pourrez même avoir un casse-croûte ! On n’a rien contre vous. On aurait bien occupé le ministère de l’immigration, mais cela supposait une logistique supérieure...»

«Situation de blocage»

Après huit mois de grèves, le 18 juin, le ministère avait admis que des «
ajustements techniques» étaient «nécessaires» afin de «traiter dans de meilleurs délais chacun des dossiers présentés», de "mieux tenir compte des spécificités de certains secteurs professionnels (intérim, nettoyage et aide à la personne)» et de «prendre en considération les contrats à venir avec plusieurs employeurs pour atteindre une durée

mensuelle de travail garantissant une rémunération au moins égale au Smic» . Il s’agissait d’harmoniser
le traitement des dossiers d’une préfecture à l’autre en précisant les critères d’application de la loi de novembre 2007 sur la régularisation par le travail.

Le ministère avait donné une date butoir, mars 2011, pour le dépôt des dossiers. Mais, début septembre, associations et syndicats avaient mis en garde le gouvernement contre toute tentative de
«miser sur la fatigue et l’usure du mouvement» .

L’inquiétude des grévistes a été ravivée ces dernières semaines, car le ministère avait indiqué que ceux qui avaient cessé le travail ne pourraient faire l’objet d’une reconduite à la frontière... jusqu’au 30 septembre. Maintenant que le délai est passé, ils risquent à tout moment de se faire arrêter et d’être conduits en centre de rétention administrative.

Sur les 1.800 dossiers déposés, selon le ministère, seuls 58 ont débouché sur des autorisations provisoires de séjour, au motif que beaucoup d’entre eux seraient
«incomplets» et nécessiteraient de
la part de l’administration
«des demandes de compléments d’informations» .

«Nous sommes dans une situation de blocage ,
constate Raymond Chauveau. Les préfectures nous posent beaucoup de problèmes. L’immense majorité des dossiers nous revient parce qu’elles rajoutent
des pièces à fournir sur la situation familiale et la durée de présence sur le territoire, elles estiment que les fiches de paie ne sont pas des documents fiables et demandent qu’on les remplace par des avis d’imposition ou des avis de justice. En gros, elles ne font pas confiance aux patrons et préfèrent des documents administratifs. En plus, elles ne veulent plus reconnaître le statut de gréviste comme cela avait été dit.»

«Les directions territoriales en charge des dossiers disent qu’elles sont d’accord pour faire leur travail mais qu’elles ne le peuvent pas par manque d’instructions de la part du ministère» ,
ajoute -t-il. «C’est pour cela que nous ne déposons pas tous les dossiers. Nous attendons des éclaircissements» , poursuit le syndicaliste qui déplore que le projet de loi Besson en cours d’examen ne transcrive pas dans la loi le fameux addendum. «Cette politique est hypocrite en plus d’être honteuse. Elle est le fait d’un ministre qui n’assume pas ses engagements» , lance-t-il.

Dans la soirée, une réunion s’est tenue au ministère de l’immigration.
«On s’est fâchés. Ils sont en train de monter une usine à gaz pour essayer de se sortir des contradictions dans lesquelles ils se sont mis» , indique Raymond Chauveau, à l’issue de la rencontre. Décision est prise par les grévistes de passer la nuit -et les suivantes- sur place. Jusqu’à ce que les forces de l’ordre interviennent pour les déloger.


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