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Grève à Roissy: l'état franchit la ligne jaune

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Grève à Roissy : l’Etat franchit la ligne jaune


Décryptage: Le recours aux forces de l’ordre pour remplacer les agents de sûreté de l’aéroport fait polémique.

23/12/2011
Par: FRANCOIS WENZ-DUMAS. VITTORIO DE FILIPPIS

Le conflit dans les aéroports s’est durci hier avec le recours à 180 policiers et 80 gendarmes pour assurer les contrôles à l’embarquement. Aucun vol n’a été annulé à Roissy et dans les autres aéroports touchés par le mouvement, mais les files d’attentes s’allongent. Le chef de l’Etat et les ministres ont durci le ton alors que les syndicats contestent la légalité de l’intervention policière.

L’intervention des forces de l’ordre est-elle légale ?

Le cas de figure est inédit. Il ne s’agit pas d’une réquisition, procédure strictement encadrée, destinée à rétablir un service public de première nécessité (hôpital, blocage des transports publics, amoncellement d’ordures…). Le gouvernement, lui, se défend d’empêcher l’exercice du droit de grève, inscrit dans la Constitution, ce qui serait le cas s’il y avait embauche d’intérimaires pour remplacer des salariés grévistes.

Hier, la CFDT fédération des services à saisi le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Force ouvrière (FO) envisage également de déposer un recours juridique.
«On estime que cela peut être une voie de fait», explique Alain Bouteloux, de FO fédération des services : «Le recours à des policiers pour remplacer des grévistes, c’est une première.» Les syndicats de policiers sont aussi réservés sur le rôle qu’on veut faire jouer aux forces de l’ordre. Pour la CFDT police nationale, cela «revient à saboter le dialogue social».

La loi sur le service minimum s’applique-t-elle ?

Votée le 2 août 2007, la loi créant
«un service minimum en cas de grève» était l’un des points clés du programme de Sarkozy. Elle a depuis été reprise dans le code des transports. Elle impose une négociation préalable, et oblige les salariés à déclarer 48 heures à l’avance s’ils seront grévistes. Mais ce service minimum ne s’applique que dans les transports publics terrestres : SNCF, RATP et transports urbains des grandes villes. L’UMP a déposé une proposition de loi pour l’étendre au transport aérien. Elle sera examinée le 24 janvier à l’Assemblée. Les syndicats de personnels navigants ont déjà déposé un préavis de grève pour début février.

Qui sont ces sociétés de sécurité aéroportuaire ?

Autrefois, la sécurité dans les aéroports était une mission exclusivement régalienne. Les services de police maîtrisent alors toute la chaîne de sécurité des aéroports, de l’enregistrement des passagers, des bagages à l’embarquement. Changement de décor en 1996 et place au privé. Les aéroports lancent des appels d’offres pour trouver des sous-traitants. Depuis, quatre sociétés de sûreté, ICTS, Brink’s, Securitas et Alyzia Sûreté, se partagent un marché de 450 millions d’euros pas an. Elles sont chargées d’assurer les fonctions de sécurité, du contrôle des passagers aux rayons X jusqu’aux bagages. Tous les trois ans, les contrats sont remis en jeu mais ces appels d’offres se sont transformés en ventes aux enchères à l’envers. Avec une concurrence telle qu’il est presque impossible de décrocher un nouveau contrat sans réviser à la baisse leurs tarifs.

Quelle est l’origine du conflit social ?

Les raisons sont multiples, mais elles sont toutes imbriquées. Ainsi, si à l’occasion d’un nouvel appel d’offres à l’aéroport de Bordeaux, Securitas perd le marché au profit de la Brink’s, cette dernière est obligée de reprendre 85% du personnel de Securitas sur le site. Les Securitas deviennent alors des Brink’s avant de devenir des ICTS ou des Alyzia. Et ces sociétés n’ont aucune obligation de combler les 15% de personnel manquant. Résultat : depuis 1996, le nombre de passagers augmente à une vitesse bien supérieure à celle des effectifs de sécurité.

En 2010, les aéroports français comptaient 9 750 agents de sûreté pour 153,9 millions de passagers. Soit 1,8 million de plus qu’en 2009. Mais avec un nombre d’agents inchangé. Cette dérive, les syndicats ne cessent de la dénoncer. En vain.

Fin novembre, ils se sont entendu dire par les directions qu’il n’y aurait pas d’augmentation des salaires, au prétexte qu’un accord de branche pluriannuel prévoit une hausse des rémunérations de 2% sur trois ans. Dur à avaler alors que les syndicats demandaient une revalorisation de 200 euros bruts pour tous les agents. Dont une large majorité touche en moyenne 1 584,76 euros brut par mois, soit moins de 1 300 euros net.




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