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Baisse de la TVA : les restaurateurs offrent l’agit’ et le couvert
Les professionnels se vantent à coups de pubs de respecter leurs engagements. Un peu trop…
Par LUC PEILLON
28/04/2011
Le monde merveilleux de la restauration méritait-il un cadeau fiscal de plus de 2,5 milliards d’euros ? Deux ans après la signature du «contrat d’avenir» entre les professionnels du secteur et le gouvernement, paraphé en échange de la baisse de la TVA à 5,5%, le bilan de la mesure reste l’objet d’une vraie controverse. Les restaurateurs ont-ils créé plus d’emplois que ce que prévoyait le «contrat» avec les pouvoirs publics ? Ont-ils baissé les tarifs autant qu’espéré, ou encore amélioré les conditions de travail de leurs salariés ?
Pour les responsables du secteur et le gouvernement, la réponse, évidemment, est oui. Ils le martèlent depuis quelques jours à coups de grandes publicités laudatrices dans les médias. Mais à y regarder de plus près, le bilan, sans être totalement honteux, est beaucoup moins rose que ce que prétendent les restaurateurs.
L’emploi
Dans le contrat d’avenir, les employeurs de la restauration s’engageaient à créer 20 000 emplois pérennes en deux ans, à compter de la baisse effective de la TVA au 1 juillet 2009. Un objectif «explosé» pour les professionnels du secteur, qui affichent 25 000 créations de postes pour la seule année 2010.
En réalité, les choses sont un peu plus compliquées. Dans le contrat d’avenir, l’engagement était de créer 20 000 emplois pérennes en deux ans, mais en plus des 15 000 postes de travail générés chaque année, selon Bercy, par la profession en temps normal. Soit, au total, et sur un an et demi, 37 500 emplois. Or selon l’Acoss (la banque de la Sécurité sociale), qui dispose des statistiques les plus favorables pour le secteur, les restaurateurs ont créé 36 800 emplois en un an et demi, entre le 1 juillet 2009 et 31 décembre 2010. La profession a donc tout juste rempli ses objectifs.
Si l’on retient les chiffres de l’Insee, par contre, elle en est encore loin, puisqu’elle n’en aurait créé que 28 000 (avec l’hébergement), soit près de 10 000 de moins que l’objectif affiché. Que l’on retienne l’une ou l’autre statistique, un autre problème subsiste : celui des effets réels de la baisse de la TVA dans ce processus de création, faute d’une vraie étude d’impact. Car pendant la crise, le secteur a quasiment stagné, ce qui laisse penser que les créations d’emplois qui ont suivi représentent, pour partie, un rattrapage.
Les tarifs
Moins 3% sur l’addition, avaient promis les signataires du contrat d’avenir. Un an et demi plus tard, les publicités des restaurateurs vantent une ristourne de 2,15%. Bref, pas très loin de l’objectif affiché. Sauf que, selon l’Insee, leurs tarifs ont stagné (+0,1%). Cette baisse vendue par les professionnels correspond… à une «non-hausse». Ils estiment en effet que si leurs prix avaient suivi l’inflation, ils auraient dû progresser d’autant.
En réalité, sur un an, depuis mars 2010, les tarifs ont même grimpé de 1,3%. «S’engager sur les prix était une vraie connerie, car ils finissent toujours par remonter, peste un membre d’un syndicat de restaurateurs. C’était un truc pour les grandes chaînes, afin qu’elles communiquent pendant quelques mois là-dessus.»
Le social
C’est peut-être sur ce volet que les avancées sont les plus palpables. Dans la restauration traditionnelle, les salariés ont ainsi obtenu une augmentation générale de la grille des salaires, une prime annuelle pouvant aller jusqu’à 500 euros, et l’instauration d’une mutuelle. Même avantages obtenus, un peu plus tard, dans la restauration rapide, avec néanmoins une prime annuelle un peu moins élevée (maximum 350 euros). Un bilan social plutôt bon, donc, et qui doit beaucoup à l’obstination des organisations syndicales.
L’ensemble des acteurs de la filière (à l’exception notable des syndicats) doivent se retrouver aujourd’hui, avec les pouvoirs publics, pour la signature d’un avenant au contrat d’avenir. Un texte qui devrait prévoir de nouveaux engagements de la part des restaurateurs sur l’emploi, la formation et la modernisation des établissements. Reste qu’en période de disette pour les finances publiques, et face à un bilan mitigé, la question du coût d’une telle mesure - 2,5 milliards d’euros par an - pourra difficilement être éludée.