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Virgin : de la dérèglementation à la déconfiture !

Archives > 2013 > Commerce

Virgin : de la dérèglementation à la déconfiture !

Virgin est en cessation de paiement depuis près d'un mois. Ce sont 1200 emplois qui sont menacés (dont 800 CDI, 200 CDD et 200 emplois externalisés). L'entreprise pionnière par ses déréglementations horaires (dimanches, nocturnes) reste au bord du gouffre, preuve, s'il en fallait que la casse du code du travail ne sauve pas l'emploi.

Si ce fleuron de la distribution de biens culturels en est là, ce n'est pas dû seulement à l'effondrement du marché du disque, aux difficultés des jeux vidéo ou, plus récemment à ceux du livre. Et lorsque la ministre de la culture pointe les « méchants » vendeurs en ligne qui exerceraient une concurrence « déloyale », c'est pour mieux absoudre les actionnaires successifs de leurs responsabilités. A l'instar de la Fnac, Virgin a connu son heure de gloire lorsqu'il a su être un précurseur. Mais, comme la Fnac, occupée à rémunérer ses actionnaires, cette entreprise a raté tous les grands virages des années 90 et 2000. Pour lui conserver sa place dans l'univers de la distribution, il lui aurait fallu de véritables politiques novatrices, soutenues par d'importants moyens financiers.

Lagardère, qui a détenu l'entreprise jusqu'en 2008 l'a achevée par son immobilisme
(il est toujours porteur de 20 % des actions). Lorsqu'il l'a revendue à Butler, il s'est fait rembourser son endettement et a conservé ce qui l'intéressait.

Quant au fonds d'investissement Butler, il est arrivé à la tête de l'entreprise en 2008, à un moment où la situation des marchés était déjà très détériorée : le disque avait largement amorcé sa chute, les jeux vidéo allaient suivre et la crise est venue rendre la situation de l'entreprise très compliquée.

Compliquée, mais pas désespérée, contrairement à ce que disent tous ceux qui justifient cette déconfiture par l'état des marchés :
Virgin pouvait et peut encore se redresser, à la condition d'offrir un concept rénové qui nécessite d'importants investissements. L'entreprise dispose encore de salariés qui sont d'éminents spécialistes dans leurs secteurs et constituent un atout décisif. Mais elle ne pouvait être redressée par un actionnaire « petit-bras » qui n'a investi, pour relancer l'entreprise, que 16 millions d'euros ! Racheter Virgin en 2008, en connaissant l'état des marchés, pour n'y investir qu'une somme si faible constituait, en soi, une faute majeure. Après les années d'inertie de Lagardère, qui ont mis l'entreprise au bord du gouffre, l'entreprise a hérité d'un actionnaire qui n'avait ni la dimension, ni la connaissance du secteur nécessaires à sa relance.

Dès l'annonce de la cessation de paiement, les salariés, réunis en intersyndicale
(CGT-majoritaire-, FO, CGC, SUD, CFTC) ont pointé la nécessité de trouver un repreneur solide et ambitieux. Ils ont engagé différentes actions pour exiger le maintien de l'enseigne et des emplois. Le 29 janvier, ce sont 1000 personnes qui se sont jointes à la manifestation qui est partie des Champs Elysées vers le siège de l'actionnaire pour crier « Virgin Vivra, Butler Paiera ». Car, pour les salariés, l'actionnaire, même s'il est contraint par le tribunal de commerce de se désengager, devra assumer le risque de casse sociale.

Aujourd'hui, le projet de « continuation » par la direction actuelle a été retoqué par l'administrateur judiciaire: il était mal ficelé et prévoyait 500 licenciements ! Butler n'a pas encore accepté de payer la casse, même s'il n'a pas fermé la porte des négociations. Il est plus que temps de rechercher activement des plans sérieux de reprises, autour des noms qui se sont manifestés : Cultura, Zelnick ou le Furet du Nord.

Les salariés exigent donc de l'administrateur l'ouverture immédiate d'une « Data Room », un lieu où l'ensemble des données de l'entreprise est mis à la disposition de ceux qui forment un projet de reprise. Ils exigent aussi que les comptes des fournisseurs soient rouverts pour que les clients continuent de venir : souvent, malgré les engagements pris, des produits importants restent manquants, au risque d'éloigner les plus fidèles.

Les salariés mettront toute la pression nécessaire sur l'administrateur et les actionnaires pour que, d'ici l'audience du 21 mars devant le tribunal de commerce, leur avenir soit de nouveau assuré.

Karl Ghazi



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