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Accords sur l'emploi : "Une sortie de route dictée par le Medef"

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Accord sur l’emploi : «Une sortie de route dictée par le Medef !»


Par FRÉDÉRIQUE ROUSSEL
9 avril 2013

REPORTAGE _ La manifestation, hier, n’a pas empêché l’Assemblée nationale d’adopter le texte en première lecture.

André Chassaigne est le dernier à parler avant le scrutin, hier à l’Assemblée. Depuis une semaine, il ferraille avec les siens et «d’autres groupes de gauche» pour modifier le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi. Peine perdue, excepté de menus aménagements. Le chef de file des députés Front de gauche met alors toute la conviction possible pour renverser la vapeur en cette période trouble. «Il est temps de nous réunir pour lutter contre la finance et les forces de l’argent. Ce projet de loi comprend d’innombrables reculs.» Le couperet tombe trente secondes après, à 16 h 50 : 250 pour, 26 contre. Le texte, dit «Ani», pour Accord national interprofessionnel, signé le 11 janvier par le patronat (Medef, CGPME, UPA) et trois syndicats (CFDT, CGC et CFTC), a été adopté en première lecture. Ce n’est pas la manifestation qui s’effiloche autour du Palais-Bourbon qui aura pu y changer quoi que ce soit. Retour sur un après-midi de mobilisation.

14 heures. Pluie battante devant Montparnasse. CGT et FO, non-signataires, ont appelé à battre le pavé pour protester sous les fenêtres de la représentation nationale contre ce texte «scélérat», rejoint par la FSU et Sud. «J’appelle les députés à ne pas le voter», lance sans conviction Pierre Laurent, sénateur PCF. «Les voix des salariés comptent», poursuit-il en misant sur le Sénat, où le texte va atterrir le 17 avril. L’une des pires mesures pour lui : la légalisation des accords dits de maintien de l’emploi. Cet article prévoit qu’en cas de graves difficultés conjoncturelles, l’entreprise pourra demander, pendant deux ans, un aménagement du temps de travail et de la rémunération, tout en s’engageant à maintenir l’emploi ; le texte amendé prévoit désormais des efforts «proportionnés» des dirigeants salariés, mandataires sociaux et actionnaires. «Moyen terrible d’exercer du chantage en période de chômage», juge Pierre Laurent.

14h30. Milieu du boulevard du Montparnasse. Le carré de tête réunit Thierry Lepaon, nouveau leader de la CGT, Jean-Claude Mailly, patron de FO, Bernadette Groison, de la FSU, et Annick Coupé, de Sud. Une redite du 5 mars. Même casting, même objet. Ce jour-là, 200 000 personnes avaient défilé contre «la loi Medef». Là, les troupes semblent avoir maigri (120 000 personnes revendiquées sur toute la France). «Nous ne sommes pas là pour faire du chiffre, mais une piqûre de rappel», balaie Jean-Claude Mailly. Si la présidente du Medef, Laurence Parisot, s’est déclarée satisfaite hier matin sur BFM du passage à l’Assemblée, elle a prévenu : «Je ne voudrais pas que ce qui a déjà été grignoté à l’Assemblée nationale soit mangé de manière encore plus significative au Sénat.» «Alors les députés ont les dents élimées», raille Mailly, en pestant notamment sur les «trois lignes» du compte personnel de formation (comptabilisé en heures, transférable et pouvant être abondé par l’Etat ou la région). A sa droite, Thierry Lepaon évoque les semaines passées à expliquer les treize pages obscures. Il compte désormais évangéliser le palais du Luxembourg et a rendez-vous dès aujourd’hui avec son président.

Le socialiste et ancien inspecteur du travail Gérard Filoche est également vent debout contre le texte. «Par rapport à la feuille de route originelle du gouvernement, c’est une sortie de route dictée par le Medef ! s’écrie-t-il. Le texte va aggraver le sort des femmes à temps partiel, en lissant leur salaire, avec des paquets d’heures complémentaires et plusieurs coupures dans la journée.»

15 heures. Peu avant la station Duroc. Toujours combatifs alors qu’ils entament leur treizième semaine de grève, les militants de PSA-Aulnay scandent «interdiction des licenciements, aucune usine ne doit fermer», et feront la quête à l’arrivée. «On tiendra avril, promet Jean-Pierre Mercier, leur leader CGT. Le pire que je vois dans l’ANI, c’est d’autoriser les patrons à baisser les salaires.» Pas loin derrière, Michel, 60 ans, de l’Office national des forêts, très digne, souligne la solidarité nécessaire du public et du privé. Le pire dans l’ANI ? «La réforme des licenciements, la réduction des délais de prescription.» Eric, 38 ans, des Chômeurs rebelles (CGT), est loin des prud’hommes. Depuis six ans au chômage, il manifeste pour les sans-emploi.

15h30. Les rangs sont clairsemés boulevard des Invalides. Sous son parapluie rouge, Philippe Martinez, de la FTM-CGT, justifie le peu d’affluence par le climat délétère. «On demande aux salariés de faire des efforts et ils sont choqués par les affaires.» La mesure qui prévoit qu’un à «au moins deux» salariés auront voix délibérative dans les organes de décision des grands groupes (plus de 5 000 salariés en France), lui paraît dérisoire. «C’est à peine si on nous y laissera parler dix minutes.» La manif a mis une heure à avaler le parcours. Au bout, une grande banderole, qui pouvait être mise au rancart une heure après : «Messieurs et mesdames les parlementaires, ne votez pas cette réforme injuste.»


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