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La TVA restera-t-elle réduite dans la restauration?

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La TVA restera-t-elle réduite
dans la restauration ?


LEMONDE.FR | 12.08.11 |

Après l'annonce par l'Insee d'une croissance nulle au deuxième trimestre 2011, le devenir de la TVA réduite dans la restauration devient incertain.

Fin juillet, Nicolas Sarkozy avait garanti aux restaurateurs le maintien de cette mesure adoptée en 2009, après des années de promesses. Mais le rapporteur de la commission des finances du Sénat, l'UMP Philippe Marini, a une nouvelle fois évoqué le sujet, vendredi 12 août, cette fois pour demander qu'elle soit révisée.

Le sénateur demande
"un large coup de rabot" sur les niches fiscales, qui toucherait aussi bien les abattements de charge sur les bas salaires que "les taux réduits de TVA bénéficiant à la restauration ou aux travaux dans les bâtiments". Autant de cibles emblématiques : le sénateur Marini cite les trois niches les plus coûteuses pour les finances publiques.

"COUP DE RABOT" : LE PRÉCÉDENT DE 2010

Instauré en 1999, le taux réduit de TVA pour les travaux dans les logements achevés depuis plus de deux ans revient à 5,05 milliards d'euros de pertes de recettes, mais bénéficie à 300 000 entreprises, selon le ministère de l'économie. La TVA réduite dans la restauration, elle, coûte 2,4 milliards d'euros par an. Plus difficiles à quantifier, car ils sont répartis dans plusieurs niches, les abattements de charges sur les bas salaires coûtent eux aussi plusieurs milliards d'euros. Quant aux heures supplémentaires, on chiffre le coût de leur défiscalisation à 4,5 milliards d'euros.

Mais ces niches sont également emblématiques de la politique de Nicolas Sarkozy. Fin juillet, le chef de l'Etat avait posé un cadre général :
"Ce qu'on doit supprimer, c'est les niches fiscales inutiles." Mais "les niches au service de l'emploi, celles-là je n'ai pas du tout l'intention de les supprimer". Or la TVA réduite dans la restauration ou pour des travaux sont autant de niches "au service de l'emploi", sans même parler des abattements sur les bas salaires.

Philippe Marini ne propose cependant pas la suppression de ces trois niches, mais plutôt de les inclure dans un
"coup de rabot". En 2010, François Fillon avait une première fois usé de cet instrument métaphorique pour réduire les niches de 10 %, afin d' économiser 10 milliards d'euros. Mais dans la pratique, seules 22 niches sur plus de 500 avaient été affectées, pour un total qui n'a rapporté que 500 millions d'euros. Entretemps, une palanquée de lobbies avaient fait pression pour obtenir le maintien de niches particulières.

LA TVA RÉDUITE, UN BILAN MITIGÉ DANS LA RESTAURATION

Parmi ces lobbies, celui de la restauration est parvenu à conserver sa TVA réduite. L'intérêt de la mesure reste pourtant largement discutable.
"La profession a tenu ses engagements, tous les rapports le montrent. Vous vous étiez engagés à 30 000 créations d'emplois. Vous avez fait 40 000 emplois", s'est félicité Nicolas Sarkozy devant des représentants de la profession fin juillet.

Pourtant, la réalité est moins flatteuse. Sur le site du ministère de l'économie, on peut encore trouver trace de l'engagement promis en 2009 :
"En contrepartie, les restaurateurs s'engagent à la baisse de la TVA sur au moins 7 produits d'une liste de 10 produits et à créer 40 000 emplois supplémentaires sur les deux prochaines années", et non 30 000 comme l'affirme le chef de l'Etat.

Pour être plus précis encore, on peut citer Hervé Novelli, alors secrétaire d'Etat en charge du dossier, le 28 avril 2009 :
"Des créations nettes d'emplois supplémentaires, chiffrées à 40 000 emplois nouveaux sur les deux années qui viennent, incluant 20 000 emplois pérennes, et 20 000 apprentis et contrats de professionnalisation, sont l'objet d'un engagement fort du contrat d' avenir." Quant aux prix dans les restaurants, ils devaient "baisser de 11,8 % sur une large liste de produits, allant de l'entrée aux plats, en passant par les diverses formules, et jusqu'à l'emblématique café noir".

JUSQU'À 15 MILLIARDS D'EUROS EN RELEVANT LES TAUX

Au final, le bilan est le suivant : la profession, qui créait en moyenne 21 000 emplois chaque année depuis 2000, a gonflé ce chiffre avec 44 600 emplois en deux ans, selon les chiffres des syndicats du secteur, et 35 600, selon l'Insee. En pourcentage, l'inspection des finances évaluait fin 2010 la croissance de l'emploi du secteur à 1,6 %, alors que l'objectif à deux ans était de 2,5 %.

Si les chiffres de l'apprentissage et de l'alternance ne sont pas établis précisément pour ce secteur, qui formait déjà 40 000 personnes chaque année, selon un rapport de 2010, les résultats semblent en deçà de l'objectif. Le gouvernement a d'ailleurs signé avec la profession un avenant au contrat d'avenir, qui prévoit 20 000 contrats d'apprentissage supplémentaires… d'ici à 2015. Quant aux prix, ils n'ont pas diminué de 2,9 %, comme le promettait l'accord, mais augmenté de 1 % en 2010, contre 1,8 % d'inflation générale.

Si les études montrent que l'aide a permis de sauvegarder des emplois, qui auraient sans cela souffert de la crise, et permis à la profession de des négociations salariales qui ont fait reculer la précarité du secteur, le coût pour les finances publiques est loin d' être négligeable : il revient à 60 000 euros par emploi créé. Quant aux baisses de prix, les associations de consommateurs les trouvent très limitées, voire inexistantes.

En mars, la Cour des comptes avait remis à M. Sarkozy un rapport sur la convergence fiscale franco-allemande, sujet quelque peu oublié depuis. Les Sages y préconisaient d' aligner le taux réduit de TVA, qui s'applique à la restauration et aux travaux dans les logements anciens, sur le taux allemand de 7 %. Ce relèvement rapporterait, selon leurs calculs, jusqu'à 15 milliards d'euros. Soit la somme que la France doit trouver pour parvenir à rester sur sa trajectoire de réduction du déficit.

Samuel Laurent




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