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Archives > 2012 > Commerce
Commerce : la marée noire
du travail de nuit
Comme le travail du dimanche, le travail nocturne dans le commerce n’a cessé de se développer depuis les années 80. De 18h30, les horaires se sont progressivement étendus jusqu’à plus de minuit et, dans certaines boutiques (H&M, Abercrombie&Fitch), des salariés sont amenés à travailler 24h sur 24. L’US Commerce fait de la lutte contre le travail de nuit un objectif prioritaire pour les prochains mois.
L’ouverture du dimanche et le travail de nuit dans le commerce participent de la même logique que les nouvelles implantations en France ou le développement international : l’augmentation du chiffre d’affaires est un impératif économique et l’augmentation des horaires d’ouvertures constitue, dans certaines enseignes comme le Printemps, la seule perspective de développement pour les prochaines années. Moins médiatisée que les ouvertures dominicales, la dérive vers le travail de nuit est, au moins, aussi dangereuse pour les salariés.
Si on laisse ce système suivre sa pente naturelle, on ira, sans aucun doute, jusqu’à l’ouverture des magasins 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.
L’on imagine, sans difficulté, les conséquences d’une telle fuite en avant !
Tout d’abord, si les entreprises les plus solides tireront leur épingle du jeu et réaliseront des gains de parts de marché, cette logique en laissera beaucoup sur le carreau et les emplois créés par les uns auront, au moins, leur contrepartie en emplois détruits chez les autres.
Car le pouvoir d’achat des consommateurs n’est pas extensible : ce qu’ils achètent le soir ou le dimanche chez les uns, ils ne le rachèteront pas une seconde fois chez les autres.
Surtout, la concentration entre les mains de quelques-uns d’un commerce qui connaissait, récemment encore, une grande diversité (30% de commerces indépendants dans l’habillement à Paris) entraînera, immanquablement, des destructions importantes d’emplois. Déjà, le groupe Casino dispose d’une position dominante à Paris et les petites supérettes indépendantes disparaissent à toute vitesse.
Pour les salariés du commerce, le travail de nuit comporte les mêmes inconvénients que le travail du dimanche (atteinte à la vie en dehors du travail) et y ajoute les problèmes de santé au travail liés au travail de nuit.
Tout cela, se fait, comme pour le dimanche, sous couvert d’un service au consommateur qui serait rendu nécessaire par l’évolution de la société. Cet «argument» de pure communication, est repris par de nombreux politiques et parfois par certains militants syndicaux.
Il est, pourtant, singulièrement faux et hypocrite de se réfugier derrière de prétendus «besoins» ou «droits» pour servir la soupe au développement du chiffre d’affaires de certaines entreprises au détriment d’autres. Le «consommateur» exige beaucoup de choses: plus de pouvoir d’achat, des transports meilleurs, une plus grande qualité de service... Ces exigences-là, nous n’avons vu personne se précipiter pour les satisfaire. Quant aux «besoins», aux «nécessités» et aux «droits» ils ne faut pas les confondre avec... une commodité supplémentaire !
Or, une simple commodité ne constitue pas un motif valable pour instaurer une flexibilité supplémentaire dans les horaires des salariés, au détriment de leur vie en dehors du travail et de leur santé.
C’est, en substance, ce qu’a décidé la cour d’appel de Paris dans des arrêts récents. Verbalisées par des inspecteurs du travail, des supérettes ont été condamnées en appel (C.A. Paris 11 octobre 2011 SARL FRANCAR) parce que les articles L 3122-32 et L 3122-33 disposent que « le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale» ; or, selon la cour d’appel, «l'activité de commerce alimentaire n’est pas inhérente au travail de nuit» et ses «caractéristiques n’exigent pas (...) de recourir au travail de nuit» et que «l’exercice de cette activité dans les limites des horaires de jour (6h à 21h, NDLR) est de nature à répondre suffisamment hors du confort de la clientèle ou des impératifs de politique commerciale (...).
La cour d’appel de Paris va encore plus loin puisqu’elle juge, en substance, que l’existence d’un accord collectif sur le travail de nuit ne suffit pas à rendre légal le recours au travail de nuit, lorsque les conditions de sa mise en place (nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale) ne sont pas réunies.
102 militants réunis en AG le 1 juin dans le cadre du Clic-P (Comité de liaison intersyndical du commerce de Paris, intersyndicale qui réunit l’US commerce CGT, la CFDT commerce IDF, le SECI-CFTC, F.O commerce Paris., la CGC et SUD commerce), ont décidé de s’attaquer aux principales enseignes qui pratiquent le travail de nuit.
Ce combat, en plus de celui que nous menons déjà contre le travail du dimanche, nous voulons le mener avec les salariés, au moyen de diverses actions : diffusions de tracts, pétitions, grèves et manifestations. Dès le mois de juin, nous serons présents auprès de nos camarades des Galeries Lafayette Haussmann pour combattre le projet de la direction d’ouvrir tard le magasin au début de l’été, en usant du prétexte des J.O. de Londres et du Ramadan ! Et nous mettrons à profit les prochains mois pour organiser une grève et une manifestation des salariés du commerce à l’automne prochain.
Parallèlement, nous saisirons les tribunaux afin de faire fermer par la justice les magasins qui font travailler les salariés de nuit. Pour cela, comme pour les dimanches, nous avons besoin de l’aide de tous les militants de la capitale pour nous aider à réunir les preuves nécessaires (tickets de caisse après 21h et attestations indiquant la présence de salariés).
Enfin, nous réitèrerons en direction de la Mairie et de la Préfecture, la demande de l’ouverture d’une négociation territoriale dont l’objectif serait une réglementation stricte des horaires d’ouverture des commerces, pour que la concurrence ne se fasse plus sur le dos des salariés.
C’est comme cela que nous stopperons une tâche d’huile qui, sinon, toucherait tout le commerce avant de toucher d’autres professions !