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conférence US

Sous traitance

Rencontre-débat sur les problèmes liés aux recours à des entreprises sous traitantes dans le secteur
du commerce et des services

A l’initiative de l’union syndicale CGT du commerce et des services de Paris, une rencontre a été organisée sur les problèmes liés à la sous traitance le 13 décembre 2005 à Montreuil.
L’objectif affiché de cette réunion était de réunir les différents acteurs qui ont participé aux nombreux conflits marquants de ces dernières années.
Etaient présents à ce débat, des syndicalistes, des juristes, un expert comptable, des représentants du comité de soutien des salariés en lutte particulièrement actif sur le conflit ARCADE, des inspecteurs du travail et une sociologue
.
Si la pluralité de cette rencontre a permis de confronter les expériences, de dresser un état des lieux et d’élaborer des stratégies communes.

Les grandes lignes


La sous traitance a été utilisée dans un premier temps par les grands groupes industriels dont le désir affiché était de minimiser le coût du travail, empêcher les salariés de s’organiser collectivement et s’exonérer de toute responsabilité sociale sous couvert d’un contrat commercial.
L’état n’est pas en reste, avec un recours de plus en plus fréquent aux entreprises sous traitantes, dernier exemple en date : le contrôle et l’accompagnement des chômeurs par des entreprises privées.
Si le discours premier était : « faire exécuter des tâches qui ne relèvent pas de son savoir-faire », la réalité s’est très vite transformée en une véritable remise en cause du service public.
Malgré les alternances politiques de ces 30 dernières années, aucun gouvernement n’a accepté de remettre en cause le fondement inacceptable de la sous traitance.
Ainsi, la réponse ministérielle du 20 mars 2000 est extrêmement explicite :
L’exercice à but lucratif d'une activité de sous-traitance est licite, lorsque les conditions suivantes sont réunies :
- le contrat doit avoir pour objet l'exécution d'une tâche nettement définie que le donneur d'ordre ne veut ou ne peut pas accomplir lui-même avec son personnel,
pour des raisons d'opportunité économique ou de spécificité technique
Le libéralisme est consacré !!!
Seul un décret de 1977 sur le délit de marchandage et le prêt de main d’œuvre illicite offre quelques appuis juridiques pour lutter contre le recours abusif à la sous traitance, mais nous y reviendrons.

De la sous traitance à de nouvelles problématiques : le constat


Insidieusement, rapidement et régulièrement, la sous traitance avance et se développe sous de nouvelles formes.
Le secteur du commerce et des services est aujourd’hui particulièrement touché par ce phénomène.
Des centres d’appel « délocalisés » à l’utilisation quasi systématique de la sous traitance dans l’hôtellerie, en passant par la prévention/sécurité dans les gares et aéroports, nous sommes confrontés aux mêmes difficultés.
Collatéralement se sont développées de nouvelles zones de non droit, les démonstrateurs dans les grands magasins, la franchise et les mandats de gestion qui là aussi privent les salariés des droits les plus élémentaires.
A la SAMARITAINE, ce sont près de 600 salariés, démonstrateurs et démonstratrices qui sont privés des mesures prévues dans le plan de sauvegarde de l’emploi actuellement négocié.
Au sein du groupe ACCOR, prés de 20% du parc hôtelier est géré sous mandat de gestion privant les salariés de ces établissements du bénéfice des accords d’entreprise.
Sporadiquement, des luttes sont menées, parfois avec succès, pourtant, ces nouvelles formes d’exploitations continuent à poser de nombreux problèmes au syndicalisme.

La sous traitance vécue par le monde du travail


Les salariés des entreprises sous traitantes subissent de plein fouet la précarité sociale et des différences salariales énormes (conventions collectives, salaires, conditions de travail,…).
En matière de formation et d’hygiène et conditions de travail le constat est encore plus lourd, même si dans le secteur du commerce et des services, le résultat de cette précarité est moins « voyant » que dans le nucléaire ou dans le BTP, pas besoin d’expertise pour en mesurer les effets sur la santé et les conditions de vie des salariés.
Du côté des salariés de l’entreprise utilisatrice, la sous traitance est vécue comme une véritable concurrence, voir une menace, le fossé est creusé, deux mondes se côtoient, mais sans jamais se parler.
L’objectif de segmentation tant désiré par le patronat est atteint.

La problématique syndicale et citoyenne


Précarité, sécurité, la sous traitance pose d’autres problèmes fondamentaux tels que la remise en cause du droit de grève ou l’existence de véritables filières de travail clandestin et de travail dissimulé.
Si le conflit qui a éclaté au sein de l’hôtel ASTOR (Paris 8
ème) en 2005 a duré 5 mois, c’est bien à cause du recours à la sous traitance pour remplacer les femmes de chambres majoritairement en grève.
Lors de différents contrôles, l’inspection du travail a pu relever que de nombreux salariés n’étaient pas pourvus de titres de travail, le donneur d’ordre s’est immédiatement retranché derrière le contrat de sous traitance, niant toute responsabilité sociale.
La systématisation du paiement du salaire « à la tâche » permet au donneur d’ordre d’abuser du travail dissimulé en toute impunité.
Isolés, Précarisés, souvent victime d’ostracisme, les salariés de la sous traitance sont très rarement organisés et les conflits sont rares.
Au niveau syndical, lorsque le problème de la sous traitance est pris en compte (ce qui n’est pas systématique), les champs de compétence des différentes fédérations ou syndicats viennent très vite se heurter.
Des expériences réussies devraient pourtant pousser le syndicalisme à dépasser les querelles de « chapelles ».
La mise en place de syndicats de site ou la création de l’union syndicale multi-professionnelle sur les chantiers de l’atlantique sont autant de pistes pour que le syndicalisme dépasse sa structuration par branche dépassée par les nouvelles formes d’organisation économique.

Le droit de la sous traitance


Deux textes principaux apportent des restrictions au recours à la sous traitance.

Le délit de marchandage :

Aux termes de l'article L. 125-1 du code du travail, toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application des dispositions de la loi, de règlement ou de « convention ou d'accord collectif de travail » ou « marchandage » est interdite.
De ce texte, il ressort que le délit de marchandage est constitué et sanctionné pénalement, lorsque deux éléments sont réunis :
Ø le fait matériel de l'opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre,
Ø le fait dommageable qui résulte soit d'un préjudice causé aux salariés soit de la non-application des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles.

Le prêt de main d’œuvre illicite :

toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite, dès lors qu'elle n'est pas effectuée dans le cadre des dispositions du code du travail relatives au travail temporaire. (Article L. 125-3 du code du travail)

L’échange entre les syndicalistes et les inspecteurs du travail a permis de faire ressortir les différentes difficultés rencontrées pour faire respecter ces textes.
Se pose tout d’abord le problème de la preuve, le droit syndical étant ce qu’il est, il est extrêmement complexe d’établir qu’il y a délit de marchandage ou prêt de main d’œuvre illicite.
L’extrême précarité des salariés de la sous traitance les poussent souvent à être réticents pour apporter leur témoignage ou fournir des documents par peur de représailles.
Si les inspecteurs du travail disposent de moyens d’investigation plus importants, les procès verbaux qu’ils sont amenés à dresser sont classés par le parquet de façon quasi-systématique.
Le seul recours reste la constitution de partie civile des organisations syndicales, opération coûteuse et qui entraîne des risques en cas de relaxe de l’entreprise.
Ainsi, seules 1% des infractions pénales en matière sociale sont poursuivies, et compte tenu de la lenteur des procédures et des nombreuses lois d’amnistie, le nombre des condamnations prononcées est infime.

Conclusion :


Si les difficultés sont nombreuses et complexes autour des problèmes liés à la sous traitance, le fatalisme n’est pas de mise et il est hors de question de laisser se développer de nouvelles formes d’organisation du travail où le droit et le syndicalisme n’auraient pas lieu d’être.
Les participants à cette première rencontre/débat souhaitent informer très largement les salariés, qu’ils soient issus de la sous traitance ou pas, de leurs droits.
Une sensibilisation des différentes structures syndicales et militantes semble également souhaitable.
La CGT commerce et services Paris a indiqué qu’elle se porterait systématiquement partie civile sur les PV dressés par les inspections du travail et que conformément aux débats de son dernier congrès, elle proposera aux salariés de la sous traitance travaillant dans le secteur qu’elle représente de se syndiquer.
L’ensemble des participants a souhaité que toutes les convergences et les soutiens soient mis en œuvre lors de conflits liés à la sous traitance.


Pour aller plus loin :

Ø Sous-traitance, précarisation du travail, risques professionnels, d'Annie Thébaud-Mony, Inserm, 1995
Ø Le film de SABRINA MALEK et ARNAUD SOULIER, Saint NAZAIRE, témoin du monde
Ø Entretien avec ANDRE FADA http://www.gisti.org/doc/plein-droit/61/alstom.html



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