Bilan provisoire mitigé pour la "flexisécurité" à la française - US CGT Commerce et Services Paris

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Bilan provisoire mitigé pour la "flexisécurité" à la française

Archives > 2013 > Presse

Source : Le Monde_07.12.2013

Renforcer le dialogue social, éviter les contentieux : au vu du déroulement des plus récents plans sociaux dans les entreprises, la loi sur la sécurisation de l'emploi (LSE) du gouvernement n'atteint pas toujours ses objectifs principaux.
Entrée en application le 1er juillet, la loi prévoit une nouvelle procédure nécessitant un accord et/ou une homologation de l'administration (en l'occurrence, la direction régionale du travail, la Direccte) pour mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Et un dispositif permettant, par le biais d'un accord majoritaire limité à deux ans, de sauvegarder des emplois en échange de concessions des salariés.

Mais le bilan est mitigé. Ainsi, les salariés du prestigieux hôtel parisien le Lutetia, objet d'un PSE, ont décidé, le 3 décembre, la reconduction de leur grève déclenchée huit jours plus tôt, et ce, « au moins jusqu'au 8 décembre », indique la CGT, qui soutient ce mouvement avec la CFDT.

Les grévistes jugent le plan illégal et insuffisant. Prévu en raison de travaux qui conduiront à la fermeture durant trois ans de l'établissement, dès avril 2014, il concerne 211 salariés. Pour la CGT, l'indemnisation va conduire à de grosses pertes de revenus.
En parallèle, ce syndicat et le comité d'entreprise ont assigné la direction devant le tribunal de grande instance de Paris (TGI) pour « fraude aux licenciements économiques ». La CGT appelle à une manifestation le 11 décembre. Tous les ingrédients du conflit social classique lié à un PSE sont présents dans ce dossier, comme avant la loi.

RAPIDITÉ DE LA PROCÉDURE


Dans les autres entreprises, les accords sont peu nombreux. Le 3 décembre, à l'Assemblée nationale, lors d'une séance de questions au gouvernement, Michel Sapin, le ministre du travail, a indiqué que, hors procédures de redressements et de liquidations judiciaires, les Direccte ont délivré 71 homologations, 21 validations d'accords et 16 refus d'homologation depuis l'entrée en vigueur de la loi.

Moins d'un quart des PSE a fait l'objet d'un accord. Pour Jean-Christophe Sciberras, président de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines, cette faiblesse vient du fait que, « pour un syndicat, négocier signifie avaliser la démarche économique de l'employeur. C'est un changement culturel considérable, qui mettra du temps à pénétrer l'ADN syndical français ».

De leur côté, certains syndicalistes doutent de la volonté de l'employeur de négocier. Chez TNS Sofres, où est engagé un PSE pour 37 personnes, « nous avons demandé à la direction d'ouvrir une négociation, dit Laetitia Lecolle, déléguée syndicale CFTC (majoritaire) et membre du comité d'entreprise. On nous a opposés une fin de non-recevoir ».

Laurent Guillaume, directeur général, répond : « Nous avons jugé opportun de ne pas négocier compte tenu de nos échéances et du climat social qui ne permet pas d'avoir un dialogue constructif avec certains syndicats. »
Autre difficulté perçue par les représentants du personnel, la rapidité de la procédure, dont la durée varie désormais de deux à quatre mois selon l'effectif concerné par le plan.

CONTENTIEUX

De plus, il n'est plus possible pour le comité d'entreprise de saisir le TGI pour faire suspendre la procédure s'il estime que celle-ci comporte des irrégularités ou que le PSE est insuffisant.

Des comités d'entreprise et leurs avocats ont bien tenté de le faire, comme chez Canon, Ricoh, ou encore Bonna Sabla (produits en béton). Mais le TGI s'est déclaré incompétent. Tout ce contentieux est reporté sur le tribunal administratif, mais en fin de parcours, une fois le PSE homologué ou validé – une décision qui déclenche l'envoi des lettres de licenciement. Une saisine en référé du tribunal administratif est possible en urgence.

« En réalité, le pouvoir n'est pas entre les mains du juge administratif mais entre celles de l'autorité administrative », la Direccte, écrit Françoise Champeaux dans la Semaine sociale Lamy du 25 novembre, dont elle est la rédactrice en chef. La Direccte, poursuit-elle, par son intervention, « est garante de la qualité du dialogue social et du contenu du PSE ». C'est en tout cas le but affiché dans la loi.

Chez Fralib, après l'annulation de trois PSE, un quatrième va être présenté. Il ne porte que sur 14 salariés protégés, dont le licenciement avait été refusé par l'inspection du travail. Problème, selon Amine Ghénim, l'avocat du comité d'entreprise, « le nouveau PSE aurait dû porter sur l'effectif initial de Fralib, soit 182 salariés ».

Le comité d'entreprise veut donc contester la régularité de ce quatrième plan en demandant l'appui à la Direccte. « Il n'est pas sûr qu'elle nous suive, craint M. Ghénim. Auquel cas, nous saisirons le tribunal administratif en référé. » De nouveaux contentieux en perspective.

Francine Aizicovici


 
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